Trois maisons, un bivouac et un ancien village en ruines composent ce périple de 1 200 kilomètres dans un Maroc scénarisé comme une pièce de théâtre. Un road trip esthète et grandiose des rives de l’océan Atlantique aux portes du Sahara, à composer sur six à neuf nuits selon ses envies.
Douceur pastorale à la Maison des Arganiers
Quittant Agadir, la route se fait piste et grimpe à l’assaut des montagnes piquetées de buissons d’argan. Rien n’entame la majesté de ces reliefs déserts à perte de vue, balayés par le soleil couchant, jusqu’au hameau de pierres sèches où finit la piste. Des villageoises filent dans les ruelles en poussant leurs chèvres. Dans ce décor d’un autre âge surgit une maison pimpante. Trois chambres seulement s’ouvrent autour d’un patio, où le crépuscule allume déjà les dentelles des lampes en fer forgé, éclairant un décor inattendu de canapés profonds et de lampes en papier de riz géantes, de plantes fossiles stylisant un mur drapé de grands rideaux en laine bouillie. Le créateur de ce choc esthétique et culturel est Thierry Teyssier, célèbre auteur des routes du Sud et créateur de voyages aussi raffinés qu’essentiels. Après la nuit seulement troublée par le chant du coq, et le petit déjeuner savouré sur la terrasse surplombant la vallée des Arganiers, le 4X4 trace à travers le plateau de Souss Massa jusqu’à Timliline. On visite cet immense grenier à grains où les anciens Berbères rangeaient récoltes et objets précieux ou venaient se réfugier en cas d’attaque – peu connu, celui de Timliline a la particularité d’être invisible à distance, dissimulant sous terre son architecture fascinante.
La Maison rouge, oasis miraculeuse
Le périple se poursuit jusqu’à la palmeraie d’Aoujou, une petite oasis agricole peuplée de femmes – les hommes travaillent tous en ville. La Maison rouge, seul hébergement hôtelier du village, est au bout du chemin. Un autre petit miracle de beauté s’y déploie, avec une profusion de détails éclectiques et chics : les nattes mauritaniennes courent le long des murs, un savant entrelac de roseaux tapisse les plafonds. Un bureau anglais verni et un ancien phonographe créent une ambiance coloniale épurée qui fait remonter le temps. Tel un fil conducteur, le rouge teinte un mur de la chambre ou décore linge de maison et vaisselle, spécialement tamponnés à l’encre par des artisans locaux. Sur la terrasse, un apéritif somptueux accueille le ciel étoilé. On reprend la route après avoir admiré la vue au soleil levant sur l’océan de palmes frangé de montagnes brunes.
L’écho troublant du passé à Tizkmoudine
A l’étape suivante, le voyage gagne en profondeur. Dans le village en ruines de Tizkmoudine, trois maisons ont été restaurées, offrant une halte émouvante et spectaculaire. Les chambres où les plafonds à caissons ornent les hauteurs et d’antiques tissages locaux rehaussent le beau pisé des murs. La sophistication créé un contraste extraordinaire avec l’architecture brute du village. Premier projet d’Hospitalité Régénérative lancé par 700’000 heures en collaboration avec le Global Heritage Fund, ces pauses conçues à mi-chemin entre une maison classique et un camp offrent un confort réduit à l’essentiel tout en préservant le lieu dans sa forme historique. Pas d’électricité ; à la nuit tombée, lampes et bougies sculptent des décors mystérieux, une scène éphémère pour un dîner exclusif sous le ciel pur. La visite du village et de sa splendide palmeraie et la rencontre des habitants façonnent autant de moments précieux.
Dans les dunes du Camp de l’Acacia
Le lendemain, deux heures de route à travers les contreforts de l’Anti-Atlas bifurquent vers le grand désert. La piste cahote jusqu’au lac asséché d’Iriki. Dans l’immensité de sable surgissent de vastes tentes. Un bivouac de luxe, métaphore poétique des coutumes nomades, est installé au détour d’une dune. Dans ce campement raffiné composé de toiles ivoire, les gros coussins jonchant le sol rivalisent avec d’épais tapis. Le lit douillet et sa salle de bains de campagne ne sacrifient rien au confort, fidèles à l’esprit des safaris africains de légende. Au soleil couchant, on explore à pied les paysages, avant de découvrir l’apéritif dressé au sommet de la plus haute dune et de regagner le campement pour dîner au coin du feu, dans l’immensité du désert. On reprend la route au matin, pour faire halte dans le plus étonnant des greniers à grains : Amtoudi, citadelle dressée en plein désert, où le gardien ouvre le grand portail aux visiteurs qui grimpent jusqu’au sommet. Contre l’une des anciennes tours de garde, on dresse un thé au Sahara, avec kilims, gros coussins et tajine fumant. Le souvenir de Charles de Foucauld, le premier à explorer la région, n’est pas loin…
Maison de l’Oasis, summum du raffinement
La poussière poudroie ensuite jusqu’à Tighmert, l’une des plus vastes palmeraies habitées du Maroc. Il règne dans cet océan vert un silence feutré – sur les chemins de sable, on n’entend que le pas des ânes et le murmure de paysannes glanant des dattes. Ce labyrinthe mène à la Maison de l’Oasis et son décor de rêve : deux maisons de pisé prolongées d’une grande terrasse y évoquent la grande époque des caravansérails. Cactées, caroubiers et cognassiers tapissent les murs d’enceinte, ourlant une grande cour soigneusement ratissée qui attend la partie de croquet. L’intérieur des habitations est subtil, avec ses ocres et ses rouges, ses lampes en osier tressé et de grandes photos de visages berbères. Le travail des artisans locaux est mis au service de la beauté : les auvents en poil de dromadaire ont été tissés par une coopérative de femmes du village. Après le dîner sous la splendeur du ciel étoilé, une séance de cinéma en plein air immortalise la dernière soirée dans le désert avant le retour vers Agadir.
